« Le colonialisme n’était pas un humanisme ! »

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Discours sur le colonialisme, Aimé Césaire. Paris, Présence Africaine, 1955

La rigueur est le manteau que revêt Aimé Césaire pour exposer ses griefs contre le colonialisme. Longtemps présentée comme une forme d’humanisme par les Occidentaux, cette doctrine s’est révélée en réalité comme un instrument de chosification à double face, qui déshumanise autant le colonisé que le colonisateur. En effet « le colonisateur qui, pour se donner bonne conscience, s’habitue à voir dans l’autre la bête, s’entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête », n’hésite pas à affirmer l’auteur de ce livre essentiel, écrit il y a déjà plus de 60 ans. En somme, la colonisation était un projet malhonnête, dont les effets pervers se font encore sentir de nos jours !

Le travail de Césaire se veut une manière de dé-construction du colonialisme, qui passe par la démonstration de l’impact essentiellement négatif de cette doctrine sur le colonisé et le colonisateur. Il souligne, par exemple, l’échec de la mission civilisatrice de l’Afrique par des Occidentaux imbus de leur supériorité. L’attitude vile et orgueilleuse des colonisateurs a plutôt contribué à instaurer un climat hostile entre les deux groupes qui étaient censés dialoguer. Elle a été également à l’origine de la philosophie du dédain et de la discrimination qui est viscéralement rattachée à l’Africain. Et partant, à l’Afrique. En effet, dès lors que les Occidentaux se sont approchés des peuples colonisés avec des préjugés de supériorité raciale et intellectuelle, ils ont jeté le mépris sur eux. En les considérant comme des êtres « non-conceptuels », comme osera l’affirmer Prosper Mérimée (Tamango), en d’autres termes des êtres à peine humains, dépourvus d’une réelle structure mentale, ils les ont purement et simplement déshumanisés…

La pertinence du propos de l’essayiste Martiniquais se lit à travers les archives et les illustrations auxquelles il fait référence pour étayer son argumentation. Aussi, ne manque-t-il pas de souligner la mauvaise mise en contact entre l’Afrique et l’Occident et, notamment, l’échec de la communication des cultures. Ce livre d’Aimé Césaire est un vibrant plaidoyer en faveur d’une vraie pratique de la poétique de la Relation : mettre les peuples en communication les uns avec les autres, dans le respect de la culture de l’autre, voilà ce qui aurait permis que les peuples africains et européens, en situation de dialogue interculturel, se re-trouvent à n’importe quelle période de leur Histoire.

En définitive, ce « Discours sur le colonialisme » est l’illustration parfaite et l’explicitation détaillée des dégâts que cause l’ethnocentrisme. Il est un appel au respect de l’altérité. En fait, quelles que soient les origines de l’autre, il revient avant tout de le considérer dans sa totalité : Humain. Et de privilégier la communication. Parce que, écrit Césaire, « quand les cultures entrent en contact, l’échange est ici l’oxygène » !

Nkul Beti